Originaires du Comtat-Vénaissin, les Tulle de Villefranche possèdent plusieurs terres en Provence, dont Villefranche, Soleilhas, Roquesur, etc. Ils oeuvrent dans les milieux administratif, judiciaire, religieux et militaire et certains membres assument la fonction d'assesseur ou syndic, d'autres deviennent évêque d'Orange ou chevalier de Malte. Au XVIIIe siècle, la famille s'installe en Bourgogne, continuant à assurer des charges administratives et judiciaires. A la fin du XIXe, suite au mariage avec la fille du propriétaire du domaine de Villarceaux, les Tulle de Villefranche s'établissent dans le Val-d'Oise (voir annexe 1 : arbre généalogique simplifié des Tulle de Villefranche).
Les seigneurs
Située sur la commune de Chaussy, la seigneurie de Villarceaux existe depuis le XIIIe siècle. En effet des écrits mentionnent un certain Guillaume de Bourg (ou Bourris), seigneur de Villarceaux et de Sérifontaine à l'occasion du mariage de sa fille. Cependant, selon la monographie des instituteurs (ADVO 1T 141), le site serait beaucoup plus ancien. Un acte royal de Pépin le Bref datant du VIIIe siècle, octroie à l'abbaye de Saint-Denis "une pièce de bois" provenant de Villarceaux. Pourtant peu de sources historiques permettent de confirmer l'ancienneté de la seigneurie. Il est donc difficile d'établir avec précision le moment où la seigneurie a été créée. Néanmoins à travers l'histoire des hommes et des femmes qui ont résidé à Villarceaux, nous pouvons avoir une idée de l'importance acquise par le domaine. Du XIIIe au XVIIe siècle, deux familles détiennent la seigneurie : les Trie et les Mornay.
La famille de Trie possède le domaine grâce au mariage au XIIIe siècle de Jehanne de Bourg avec Thibault de Trie, comte de Dammartin. Distrait des biens de la famille au cours du XIVe siècle, le domaine réapparaît au XVe siècle. Des années 1520 jusqu'en 1691, Villarceaux appartient aux Mornay (voir annexe 2 : arbre généalogique simplifié des Mornay). De cette famille, Louis de Mornay (1619-1691) est le plus célèbre. Marié à la fille d'honneur d'Anne d'Autriche, Denise de la Fontaine, et proche du roi, il obtient la transformation de la seigneurie en marquisat. Il est connu pour sa passion de la chasse mais surtout pour ses liaisons avec Ninon de Lenclos et, supposées, avec Françoise Scarron, la future madame de Maintenon. Menant un train de vie dispendieux, Louis de Mornay décède couvert de dettes et sans héritier direct. Louis Félix de Mornay, chevalier de la Boissière, fils naturel né de sa liaison avec Ninon de Lenclos, bien que reconnu par son père, n'a pas pu hériter. Pour payer ses dettes, ses biens sont placés sous saisie féodale. La majeure partie de ses terres, incluant Villarceaux, est acquise par Anne Catherine Brunet, sa belle-fille. N'ayant pas d'enfant, elle lègue ses terres, le 23 novembre 1737, à son petit neveu Jean Baptiste du Tillet, marquis de la Bussière, conseiller au Parlement et du roi. Il sera le dernier seigneur de Villarceaux.
La seigneurie
L'influence de Villarceaux dans la région, s'est rapidement agrandie grâce à l'acquisition de plusieurs territoires : la seigneurie de Méré ou Merez (8 novembre 1486), le fief de La Tour de Chaussy (le 6 décembre 1529), le fief des Villettes (22 mars 1624), le fief des Essarts (24 mai 1646), la seigneurie de Boucagny (30 décembre 1670). A la fin du XVIIe siècle, le propriétaire de Villarceaux détient donc un vaste domaine comprenant : les seigneuries de Chaussy (fiefs de Chaussy, Saint-Ansbert, La Tour de Chaussy, La Vallée, Les Villettes, Boucagny), d'Omerville (fiefs de Cul froid, Boissière, Courtesouppe, Le Mesnil, Les Essarts), Méré (fiefs de Méré, Haute-Souris), Ambleville (fiefs d'Ambleville, Plémont, Dehu, Les Quatre seigneurs, Copierre) mais aussi le fief de La Moinerie (Genainville).
Ils y exercent les droits de moyenne et basse justice sur seulement une partie de leurs possessions ainsi que la haute justice, bien que celle-ci n'ait pas été toujours maintenue. Ils perçoivent également des revenus conséquents grâce d'une part à la perception des impôts seigneuriaux (gruerie, relief, cens, champarts...) et d'autre part à l'exploitation des ressources naturelles (vente de bois, chasses, production céréalière). Pour améliorer l'exploitation de ses terres agricoles, le seigneur dispose d'un réseau de fermes réparties dans tout son domaine (Omerville, Méré, Villarceaux, dont la Bergerie, La Comté).
Les propriétaires
Au lendemain de l'abolition des privilèges, les seigneuries disparaissent. L'inventaire après décès réalisé en 1794 de Jean Baptiste du Tillet confirme la perte de ses seigneuries. Celui-ci ne possède plus que le domaine de Villarceaux, qui se compose du château, des bâtiments situés dans le parc, de différents jardins auxquels il faut ajouter quelques terres labourables. Vendu en 1798 à Noël-Gilbert Daumy pour 375 000 francs, le domaine, qui atteint près de 1200 hectares, est racheté en 1829 par Antoine Michel Rousselle dit le Jeune pour un montant de 1 400 000 francs. Au décès de celui-ci en 1847, le domaine s'est encore agrandi. Il inclut désormais des terres situées sur les communes de Hodent, Charmont, Villers-en-Arthies, Chérence et Genainville. Racheté partiellement en 1847 par Antoine Joseph Rousselle dit l'Aîné, la gérance du domaine est confiée à Frédéric Cartier. Son fils, Louis Cartier, en hérite à la fin du XIXe siècle. En 1879, ce dernier marie sa fille, Amélie Lucile Cartier, à Guy Félix Louis de Tulle de Villefranche. C'est ainsi que le domaine de Villarceaux entre dans la famille des Tulle. Il le restera jusqu'en 1975 (voir annexe 3 : tableau des propriétaires de Villarceaux). Classé depuis 1941 au titre des Monuments historiques, le domaine devient la propriété de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l'homme. Afin d'en assurer la restauration, l'entretien, la promotion et l'ouverture au public, le château et le parc sont loués en 1989 à la région d'Île-de-France par un bail emphytéotique de 99 ans. Ce bail exclut la Bergerie, avec son corps de ferme et ses 600 hectares de forêt et de terres agricoles. Quelques éléments de mobilier remarquables du château d'en Haut ont été achetés en parallèle par le Conseil général du Val-d'Oise et déposés en exposition permanente à Villarceaux.
Le domaine
De nos jours, le domaine, qui s'étend sur près de 70 hectares, comprend un parc labellisé "jardin remarquable". Celui-ci est constitué de jardins, d'une terrasse à l'italienne avec son potager, d'un parterre sur l'eau (XVIe siècle), d'un grand étang et de deux bassins, dont celui de la Vinette).
Plusieurs édifices, construits à différentes époques, sont répartis sur le domaine. Près de l'entrée principale actuelle, s'élève la Tour des condamnés (ou Tour Saint-Nicolas), vestige du château médiéval disparu. Cette tour abritait notamment la prison seigneuriale. Jouxtant ce bâtiment, le commun du manoir, datant du XVIe siècle, est composé d'un corps de logis avec à ses angles trois tourelles. L'une d'entre elles est dénommée La Tour de Ninon afin de rappeler le passage de Ninon de Lenclos à Villarceaux. Situé sur la partie la plus élevée du domaine, le château neuf ou d'en-Haut est construit au cours des années 1755-1758 à la demande de Jean-Baptiste du Tillet. Le projet est confié à Jean Baptiste Courtonne, qui a déjà réalisé quelques années auparavant, le dessin des vantaux de sa résidence parisienne (l'hôtel d'Albret). Jean-Baptiste du Tillet ne résidant pas à toute l'année à Villarceaux, l'architecte fait ériger un château destiné à la villégiature. Il s'inspire pour cela des résidences de plaisance, en vogue à l'époque.